Sélection bibliographique

Aurélie Audemar, Centre de documentation pour l’alphabétisation et l’éducation populaire du Collectif Alpha

Cette sélection bibliographique sur la question de la formation des formateurs et formatrices et plus largement des travailleurs et travailleuses de l’alpha est constituée de deux parties. Une s’intéresse au contexte dans lequel s’inscrit cette problématique, l’autre propose de se pencher sur les aspects didactiques et les contenus possibles des formations.

Les premières ressources citées visent à donner des éléments d’informations et de réflexions sur ce qui a pu avoir un impact sur l’évolution de la formation des travailleur·euse·s de l’alpha. Il est ainsi proposé de se remémorer ou de découvrir des aspects historiques du décret Éducation permanente et ses effets sur la professionnalisation du secteur, avec la lecture d’un article d’Inter-Environnement Bruxelles. Il est suivi d’un ouvrage collectif qui apporte des éléments sur la mise en tension entre militance et professionnalisation en décrivant la transformation du monde associatif et les enjeux du salariat associatif. Cette première partie se termine par une ligne du temps téléchargeable qui décrit l’histoire de l’alphabétisation à Bruxelles mais dont de nombreux aspects contextuels s’étendent à l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Après cette invitation à ancrer toute théorie et toute pratique dans son contexte historique, les recensions qui suivent se veulent être des pistes de réponses à comment (se) former et à quoi ? Certaines lectures s’adressent à tous·te·s les travailleur·euse·s, quelles que soient leurs fonctions, d’autres sont destinées plus particulièrement à certains métiers dont celui de formateur·rice en alpha, de celles et ceux en charge du suivi psycho-social ou encore aux métiers de cadres.

Le premier article, extrait de la revue Dialogue décrit en quoi être formateur·rice de deuxième ligne est un métier et implique des gestes professionnels spécifiques qui ne peuvent ni se développer de manière solitaire ni uniquement en autoformation. Puis, les propositions de lecture abordent des aspects nécessaires à toutes les formations. Dany Crutzen nous invite à interroger nos héritages culturels en développant notre capacité à nous décentrer. Dominique Grootaers et Francis Tilman apportent de manière éclairante « des clés pour une culture professionnelle » avec une série de fiches théoriques et pratiques. Un autre ouvrage pertinent à consulter est celui écrit sous la direction de Marie-Cécile Guernier et Jean-Pierre Sautot dans lequel est décrit un projet de recherche-action mené autour de la question de la professionnalisation des formateur·rice·s d’adultes en situation d’illettrisme dans le contexte institutionnel et économique actuel où la question de l’insertion professionnelle est dominante. Un livre concernant les professions de cadres termine cette sélection, « encadrer, un métier impossible ? ». Loin des manuels de management et proche des contradictions du métier, il décrit des aspects et des pistes de travail pour toute personne chargée d’en coordonner et encadrer d’autres.

Ces différentes lectures, et les nombreuses questions, réflexions et pistes d’actions qu’elles soulèvent, témoignent de la diversité des métiers de l’alpha aujourd’hui et du foisonnement qui l’accompagne en termes de possibilités de formations.

Olivier FOURNEAU et Claire SCOHIER, Éducation populaire : une remise en question permanente !, in Bruxelles En Mouvements, n°307, août 2020, pp. 2-5, https://www.ieb.be/Education-populaire-une-remise-en-question-permanente.

Inter-Environnement Bruxelles livre ici un dossier très instructif sur l’évolution du décret Éducation permanente et ses effets, en donnant la parole à différentes associations. Il y fait le constat de l’étendue et de la diversité des projets reconnus aujourd’hui dans le cadre du décret en lien avec les préoccupations de notre époque : « L’Éducation permanente ayant été jusqu’ici très associée aux organisations du mouvement ouvrier, le décret accueille désormais les initiatives issues de nouvelles formes de lutte et de contestation sociale, comme des associations environnementales, interculturelles ou intergénérationnelles ». L’article introductif est composé de cinq parties qui offrent de nombreuses informations historiques, en partageant, notamment, une ligne du temps de la construction et transformation du décret. Il met également en perspective les effets de la professionnalisation du secteur.

Reconfigurations de l’associatif : salariat et reconnaissance du travail, in Les Politiques Sociales, n°3-4, Service social dans le Monde, 2013/2, 132 p.

Ce numéro de la revue Les Politiques Sociales éclaire sur les profondes mutations dans le monde associatif dues au développement du salariat. Il est composé de textes de différent·e·s auteur·rice·s qui apportent des clés de compréhension sur des aspects complémentaires. Parmi les différentes contributions, nous relevons celle de Pierre Artois qui traite du passage du travail à l’emploi dans l’associatif en Belgique. Patrick Legros propose, lui, un texte sur les associations d’action sociale à l’heure du management et décrit un effet majeur de la professionnalisation, celui de transformer l’association en « entreprise associative », avec la question des modes de management et des pratiques d’encadrement à l’œuvre. L’article Professionnalisation de la réinsertion : la fin de l’esprit associatif ? offre une réflexion depuis la Suisse sur les effets, en termes de gestion, des modalités de travail entre l’État et les associations en charge de la réinsertion de personnes dites en difficulté. Il en questionne les conséquences auprès des professionnel·le·s et des bénévoles.

Histoire de l’alphabétisation à Bruxelles : une ligne du temps, Lire et Écrire Bruxelles, https://lire-et-ecrire.be/Histoire-de-l-alphabetisation-a-Bruxelles.

Cet outil virtuel, réalisé sous forme de ligne du temps, retrace l’histoire de l’alphabétisation à Bruxelles. Il est divisé en cinq périodes situées entre 1965 et 2014. Malgré quelques institutions liées particulièrement au contexte bruxellois, son contenu est tout aussi intéressant pour l’ensemble de l’espace francophone belge. On peut y découvrir les éléments qui ont fait basculer le secteur : d’une situation initiale où les formé.e.s étaient des travailleur·euse·s et les formateur·rice·s des bénévoles à la situation inverse que l’on connait aujourd’hui où une majorité des personnes en formation ont le statut de demandeur·euse·s d’emploi et où les formateur·rice·s sont majoritairement des travailleur·euse·s. Les informations sont fournies sous deux formes. Nous pouvons y lire de brefs textes sur les associations, institutions, décrets qui se sont créés au fil du temps. Ils sont accompagnés de témoignages sonores recueillis auprès de personnes qui ont participé au développement du secteur de l’alpha. Leurs expériences et savoirs sont une mine d’informations sur les réalités vécues aux différentes époques. Ce site constitue une mémoire vivante de l’alpha, il est une source rare et facilement accessible.

Jacqueline BONNARD, Former des formateurs : quand s’auto-former ne suffit pas…, in Dialogue, n°187, janvier 2023, pp. 11-14.

Toute personne ayant eu les deux fonctions pourra témoigner des différences vécues dans ses expériences de formateur·rice·s en alpha et de formateur·rice·s de formateur·rice·s. Comment passer d’un statut à l’autre ? C’est ce dont traite l’article de Jacqueline Bonnard. Le contexte de l’auteure est celui de l’école, il peut toutefois parfaitement se transférer à notre propre contexte de l’alphabétisation des adultes.

L’article est construit autour d’une série de questions auxquelles l’auteure répond en s’appuyant à chaque fois sur un exemple. Elle interroge :

  • Etre formateur·rice (de formateur·rice·s) : s’agit-il de passer d’un public à un autre ?
  • Y aurait-il des gestes professionnels spécifiques pour un formateur·rice (de formateur·rice·s) ? Elle appelle à une capitalisation des démarches de formation telles que pratiquées au sein du GFEN. Elle conclut sur le constat que la posture est différente selon les publics mais la nécessité d’une mise en réseau entre professionnel·le·s reste la même.

Dany CRUTZEN, La décentration en tant que posture professionnelle, Interculturel 2, in Groupe & Société, Collection Méthodologie, CDGAI, 2015, 43 p., http://docs.wixstatic.com/ugd/08846d_013e79282eee402489d6f462fb7223f3.pdf.

Aussi bien dans les groupes d’apprenant·e·s que dans les équipes de travailleur·se·s, le monde de l’alphabétisation est au cœur de rencontres de personnes aux origines culturelles très variées : comment faire pour expliciter des implicites culturels en situation professionnelle ? Comment faire pour d’abord reconnaitre puis dépasser les malentendus interculturels qui traversent la vie de tous groupes et pour qu’ils ne soient pas réduits à des conflits interpersonnels ? Ce livret propose ainsi une réflexion sur la démarche interculturelle inspirée des travaux de Margalit Cohen-Emerique. L’auteure illustre par une série d’exemples le processus de décentration nécessaire à toute posture professionnelle. Elle met en scène le décodage culturel en tant qu’outil de communication et de résolution de problèmes.

Dominique GROOTAERS et Francis TILMAN, Clés pour une culture professionnelle : guide d’autoformation de l’enseignant et du formateur, Chronique sociale, Couleur Livres, 2007, 204 p.

« Observer et décrire les pratiques, rendre compte des conceptions des acteurs, analyser les diverses dimensions de l’action, voilà autant de postures de réflexion et de recherche que nous voulons encourager ». Dans cette perspective, les différentes parties qui constituent cet ouvrage proposent des fiches qui offrent chacune des grilles d’analyse du sujet abordé. Ces fiches modélisent les différentes conceptions pouvant être à l’œuvre et sont une invitation à situer des pratiques. On trouvera par exemple, dans la série 2, une grille qui permet d’analyser les objets et objectifs de la participation dans une organisation et une autre qui présente une typologie des réunions de travail. Les autres séries traitent notamment de la notion de projet, d’interventions au sein d’un groupe de travail, des identités professionnelles, des modèles pédagogiques, des expériences des élèves ainsi que des cultures éducatives.

Marie-Cécile GUERNIER et Jean-Pierre SAUTOT (ss. dir.), Former des adultes à l’écrit : questions didactiques pour la professionnalisation des formateurs, Raisons et Passions, 2017, 186 p.

Parce que de nombreux travaux de recherche mettent habituellement la focale sur les apprenant·e·s a été fait le choix ici de la mettre sur les formateur·rice·s. C’est ainsi que ce livre fait part d’observations et d’analyses de pratiques de formations dans le domaine des savoirs de base et de l’acquisition des compétences langagières et communicatives en français. Il est une source particulièrement intéressante à consulter pour toute personne s’intéressant à la didactique de l’écrit. Une enquête dégage 5 profils de formateur·rice·s, une autre conduit à l’élaboration de profils pédagogiques, une suivante met en évidence les questions didactiques auxquelles sont confronté·e·s les formateur·rice·s et les réponses pédagogiques apportées. Les grilles d’analyse d’observation des séances de formation présentées sont autant d’outils de co-formation intéressants à développer dans une perspective de pratique réflexive.

Frederik MISPELBLOM BEYER, Encadrer, un métier impossible ?, Armand Colin, 2015 pour la 3ème édition, 300 p.

« Freud affirme qu’il y a trois métiers impossibles : éduquer, psychanalyser et gouverner. L’encadrement est une variante de ce dernier. Non pas (…) qu’on n’encadre pas, mais les effets produits ne sont jamais ceux qu’on avait voulus, prévus, escomptés. (…) L’ouvrage n’est jamais achevé, il laisse toujours à désirer (…). C’est encore une raison pour laquelle l’idéal de maitrise proposé par le management est dans cette activité si dangereux. (…) », peut-on lire à la fin de cet ouvrage. Car en effet, loin des référentiels de compétences, ce livre explore les questions qui traversent les professions d’encadrement quel que soit le secteur d’activités. Organisé en trois parties – « Entre le marteau et l’écume », « Au cœur des batailles d’orientations » et « Des actes de parole aux paroles en actes » –, il aborde de nombreuses problématiques dont celles du choix des mots et des stratégies, du pouvoir et de l’autorité.


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