Située dans le nord-ouest de la RD Congo, la province du Sud-Ubangi (d’une superficie d’une fois et demie la Belgique) est une région reculée et isolée, marquée par des rivières, des forêts et des savanes. Sa population, estimée à 3 millions d’habitants, connaît une croissance rapide. La province compte quatre territoires : Gemena, Budjala, Kungu et Libenge. Une mosaïque de peuples vit ici, y compris les Ngbaka, les Ngbandi, les Ngombe, les Mbenga, les Bange, les Bomboma, les Libinza et les Mbanzi. Elle est bordée par le fleuve Ubangi, une frontière naturelle avec la République Centrafricaine et le Congo-Brazzaville. Cette situation géographique complique l’accès aux services de base, rendant notre intervention cruciale pour le développement de la région. Le Sud-Ubangi se retrouve, de ce fait, loin de l’attention nationale et internationale.
Sa population est confrontée à d‘énormes défis dans les domaines des infrastructures, de la santé, de l‘éducation et du développement économique. Malgré les avancées technologiques globales, le Sud-Ubangi reste une « zone morte » en termes de connectivité Internet. Cette situation a des répercussions significatives sur le bien-être des habitants. Les limitations en matière de ressources pédagogiques en ligne et de plateformes d’apprentissage freinent l’éducation. De plus, l’absence de télémédecine complique l’accès aux soins spécialisés pour les habitants des zones reculées. Les entreprises locales, coupées des marchés en ligne et des paiements numériques, peinent à être compétitives. L’isolement entrave également la communication et le partage d’informations essentielles pour le développement communautaire Tout cela rend la situation extrêmement précaire.
Notre présence et nos actions
Depuis plus de 50 ans, Congodorpen est implantée à Bwamanda, travaillant en étroite collaboration avec l’ONG congolaise CDI Bwamanda, fondée en 1969 par le célèbre père capucin Léonard Van Baelen, le docteur Johan Van Mullem et l’ingénieur agronome Jacqueline Vanheers. Notre mission est de répondre aux besoins fondamentaux des communautés locales par une approche de développement intégré. Par-là, nous visons à améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, aux infrastructures et au développement économique. Nos initiatives actuelles se concentrent sur la région de Boto, à quelques heures de Bwamanda.
Côté alphabétisation, nous équipons 11 centres dans 10 zones de santé1 autour de Bwamanda. Najla Mulhondi, directrice de Congodorpen, explique : « Chaque centre dispose d›un directeur et de deux moniteurs formés par nos équipes et partenaires, touchant chacun plus de 600 personnes par an. D’ici 2026, de nouvelles salles de classes seront construites, plus de 3 000 adultes auront été scolarisés dans chaque centre d’alphabétisation appuyé et les apprenants seront fournis en matériel didactique ».
À Bwamanda, un grand village du Sud-Ubangi situé à 75 km de sa capitale, Gemena, la scène matinale est marquée par une vague d’étudiants en uniforme se rendant à l’école. Cependant, cette image cache une réalité plus sombre : de nombreuses jeunes filles tombent enceintes et sont contraintes d’abandonner leurs études. D’autres femmes n’ont jamais eu la chance d’aller à l’école en raison de la pauvreté, des distances ou des responsabilités domestiques. En RD Congo, près d’un adulte sur 4 est analphabète soit 23 millions de personnes sur les 99 millions d’habitants. Ce taux d’analphabétisme atteint 41% pour les femmes contre 21% pour les hommes2. Notons aussi qu’un enfant en RD Congo est censé passer 9,5 ans à l’école, redoublement compris (contre 18 ans en Belgique)3.
L’alphabétisation est cruciale pour l’autonomisation des femmes et la rupture du cycle de la pauvreté. Congodorpen se concentre sur l’alphabétisation fonctionnelle et conscientisante, qui inclut des compétences en arithmétique et en lecture, et sur l’acquisition de connaissances pratiques en santé, sexualité et finances. Notre approche met l’accent sur la participation active des communautés à toutes les phases de la formation, incluant l’élaboration du programme, la définition des thèmes et la participation aux discussions et aux think tanks. L’éducation des adultes exige une approche différente de celle des enfants, ancrée dans leurs réalités et répondant à leurs propres besoins.
Programmes de formation en gestion d’entreprises, soutien à l’entreprenariat et partenariats avec les entreprises locales
Pour maximiser l’impact de nos formations d’alphabétisation, nous intégrons des programmes de formation en gestion d’entreprise. Ces formations permettent aux participants et participantes d’acquérir les compétences nécessaires pour démarrer et gérer leur propre entreprise. Les cours couvrent des sujets tels que la comptabilité de base, le marketing, la gestion des stocks et les techniques de vente. Les participants apprennent également à élaborer des plans d’affaires et à rechercher des financements, ce qui leur donne les outils nécessaires pour devenir des entrepreneurs prospères, des agents de changements et de s’affirmer dans leur communauté, inspirant d’autres à suivre leur exemple.
Pour encourager l’entrepreneuriat et, en particulier, l’entreprenariat féminin, nous offrons un soutien spécifique qui comprend des subventions pour les start-ups, des conseils en matière de gestion d’entreprise et un mentorat continu. Nous organisons également des ateliers et des séminaires sur des sujets tels que le leadership, la négociation et la gestion des finances personnelles, afin de renforcer les compétences et la confiance des entrepreneurs et entrepreneuses.
L’appui à des micro-projets entrepreneuriaux, tels que ceux portant sur la pisciculture, la culture d’arachides et la production de café, a un impact significatif sur l’économie locale. Traditionnellement, ces activités agricoles sont effectuées par les hommes. Par conséquent, la plupart des micro-projets sont lancés et mis en œuvre par des ces derniers. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils ne profitent qu’à eux. Par exemple, si le revenu d’une famille augmente grâce au projet, la fille peut aller à l’école ou la mère peut recevoir une éducation. Nous menons un grand travail de sensibilisation afin de faire changer les mentalités et faire en sorte que davantage de femmes puissent être porteuses de microprojets tels que la culture de café.
Par ailleurs, nous travaillons également en partenariat avec des entreprises locales pour offrir des stages et des opportunités d’emploi aux participants de nos programmes. Ces partenariats facilitent la transition des apprenants de l’éducation à l’emploi, leur permettant de mettre en pratique les compétences qu’ils ont acquises. De plus, les entreprises locales bénéficient d’une main-d’œuvre mieux formée et plus qualifiée, ce qui contribue à renforcer l’économie locale.
Programmes de santé et d’hygiène
Nous intégrons également des programmes de santé et d’hygiène dans nos initiatives éducatives. Ces programmes visent à améliorer la santé générale des apprenants et de leurs familles, ce qui a un impact positif sur leur capacité à participer aux programmes éducatifs. Les sujets abordés incluent la nutrition, la prévention des maladies, l’importance de l’hygiène personnelle et l’accès aux services de santé. Nous collaborons avec des professionnels de la santé pour fournir des informations précises et pertinentes et organiser des cliniques de santé mobiles pour les zones les plus reculées.
Les défis à surmonter
Malgré nos succès, les défis persistent : financement insuffisant, infrastructures inadéquates et pénurie d’enseignants qualifiés. L’exode des personnes instruites vers les villes ou à l’étranger à la recherche de meilleures opportunités aggrave la situation. Congodorpen aborde ces défis, d’une part, en offrant des formations aux enseignants afin de renforcer leurs capacités et assurer la qualité de l’éducation, Cela inclut des formations régulières sur les méthodes d’enseignement, l’utilisation des nouvelles technologies et la gestion de classe. Nous offrons également des opportunités de développement professionnel continu pour les enseignants, leur permettant de rester à jour avec les dernières avancées pédagogiques et de partager leurs expériences avec leurs pairs. D’autre part, notre programme 2022-2026 vise à construire des salles de classes composées de matériaux durables. Cette approche garantit la continuité des cours malgré les conditions météorologiques défavorables. Nous veillons à rapprocher les salles de classe des communautés et donc à rendre l’éducation plus accessible aux adultes, tout en respectant leur dignité.
La pandémie de COVID-19 a ralenti la croissance de nos centres d’alphabétisation. Toutefois, nous avons renforcé notre soutien en matière de renforcement des capacités des enseignants, d’offres de manuels et de salaires des enseignants. Ces efforts ont permis d’atteindre 1 749 étudiants inscrits en deux ans, dont 1 566 femmes. En 2023, 157 lauréats ont reçu leur certificat d’alphabétisation, dont 126 femmes.
Afin de promouvoir l’importance de l’éducation et de l’alphabétisation, nous menons des campagnes de sensibilisation dans les communautés locales. Ces campagnes utilisent divers médias, y compris la radio, les affiches et les réunions communautaires, pour informer les habitants sur les avantages de l’éducation et encourager la participation aux programmes d’alphabétisation. Nous travaillons également avec les leaders communautaires et les chefs religieux pour qu’ils soutiennent et promeuvent l’éducation au sein de leurs communautés.
Évaluation et Suivi des Programmes
Nous accordons une grande importance à l’évaluation et au suivi de nos programmes pour garantir leur efficacité et leur impact. Cela inclut la collecte régulière de données sur la participation et les résultats des apprenants, ainsi que l’évaluation de la satisfaction des participants. Nous utilisons ces informations pour ajuster et améliorer nos programmes en continu. Des évaluations externes indépendantes sont également réalisées pour fournir une perspective objective sur l’efficacité de nos initiatives et identifier les domaines nécessitant des améliorations.
Conclusion
Les efforts de Congodorpen démontrent comment l’éducation et l’accès à l’information peuvent changer et améliorer les conditions de vie dans les zones reculées. En construisant des établissements éducatifs durables et en développant des programmes éducatifs, nous œuvrons pour un avenir meilleur pour des milliers de femmes et d’hommes, ce qui améliore non seulement leur situation personnelle, mais contribue également au développement socio-économique de toute la région. L’impact de nos programmes est amplifié par notre approche intégrée, qui inclut la santé, l’hygiène, la sensibilisation communautaire et le renforcement des capacités des enseignants. Malgré les défis, nous restons déterminés à poursuivre notre mission et à améliorer continuellement nos stratégies pour répondre aux besoins des communautés locales.
Nous sommes optimistes pour l’avenir. Votre aide est indispensable pour concrétiser cette vision.
- La zone de santé constitue en RD Congo le niveau opérationnel de base pour l’organisation, la planification et le développement des activités sanitaires. Une zone de santé est un espace géographique bien défini, incluse dans les limites territoriales d’une commune ou d’un territoire, comprenant une population d’environ 50.000 à 100.000 personnes en milieu rural et de 100.000 à 250.000 personnes en milieu urbain.
- Tricya MUSANSI, RDC : plus de 23 millions de congolais restent analphabètes, Forum des As, 12 septembre 2023, https://www.forumdesas.net/.
- https://ourworldindata.org/.