Un « Hackathon » a permis à la commune de Neder-Over-Heembeek (NOH) de trouver une solution innovante face au manque de visibilité et de communication de ses services d’aide à l’emploi ainsi que leur inadéquation par rapport aux besoins du public. Ouvrir un lieu de vie, de type HoReCa, qui soit animé par des gens du quartier.

Un « Hackathon » pour agir face à des services d’aide à l’emploi désertés

Cécilia Locmant, Lire et Écrire Communauté française

La réponse trouvée peut paraitre étonnante, mais pas pour Fanny Sbaraglia, qui a participé à tout ce processus et cosigné l’étude1 qui a été le déclencheur de cet Hackathon. « Notre travail était d’enquêter sur les modes d’intervention des partenaires de la maison de l’emploi de Bruxelles-Ville ainsi que sur le profil et les attentes des chercheurs d’emploi de NOH. Notre démarche avait une visée inclusive et nous ne voulions pas reprendre la main sur les solutions proposées. Nous avons alors pensé à un Hackathon, un marathon créatif qui permet de concentrer énormément de ressources en un minimum de temps pour générer des idées nouvelles, différentes, qui vont pouvoir créer le consensus…Ici, au bout de 3 jours à NOH, on est arrivé à un concept de café avec une petite restauration où les gens peuvent venir se rencontrer, découvrir l’agenda des activités sportives et culturelles du quartier, prendre un verre mais aussi rencontrer des gens d’Actiris dans un lieu qui n’est pas uniquement dédié à la recherche d’emploi. Et cette réponse fait écho à un des constats que notre étude avait mis en évidence : la peur que les gens éprouvent aujourd’hui face aux institutions ».

Dans la méthodologie mise en place, les chercheurs avaient d’ailleurs anticipé cette difficulté en décidant d’organiser non pas des sondages classiques auxquels les personnes risquaient de ne pas répondre, mais des entretiens informels en allant à la rencontre des personnes dans leurs lieux familiers, (plaines de jeux, terrains de sport, marchés, arrêts de bus, cafés, etc..) et menés avec des intermédiaires qui les connaissaient. Petite anecdote révélatrice de cette méfiance de la population face « aux représentants officiels des institutions » : quand l’un des jeunes chercheurs qui avait l’habitude de réaliser ses entretiens en rue (COVID-19 oblige) « en sweat et en basket » a changé de look et adopté une tenue plus conventionnelle, les échanges ont été moins faciles à établir.

L’objectif de toutes ces rencontres était de mieux connaitre le profil des habitants qui se détournent des services d’aide à l’emploi, d’explorer leurs expériences diverses, d’identifier leurs objectifs et les obstacles qu’ils rencontrent. Qui sont tout d’abord les personnes qui ne fréquentent plus ces services ? L’étude met en évidence différentes catégories de la population : les jeunes (18-25 ans), les plus de 55 ans et les femmes (25 à 55 ans).

Quels sont les principaux obstacles identifiés à la recherche d’emploi ? Les personnes interrogées ont souligné leurs difficultés à trouver l’information du fait de l’éclatement des organismes ressources en fonction du type d’information recherchée (trouver une formation, rédiger un CV, etc.) et du manque de clarté relative à la répartition des prérogatives : il y a beaucoup d’intervenants et elles ne savent pas bien qui fait quoi. Les conditions pour recevoir de l’aide sont également peu connues.

Plusieurs personnes ont également mis en évidence l’idée que les emplois proposés par Actiris ou le CPAS ne sont pas adaptés à leurs attentes et sont « en plus » à leurs yeux insuffisamment rémunérés. Pour les mères de famille ou parents célibataires, les emplois proposés sont, quant à eux, régulièrement inadaptés aux contraintes familiales. Comme le montre l’étude, les aspirations des chercheurs d’emplois de NOH en termes de métiers font l’objet d’une perception simplifiée et réductrice par les acteurs associatifs interrogés : par rapport aux métiers évoqués par ces derniers, les jeunes ont des ambitions nécessitant plus souvent des études supérieures (psychologues, agents de voyage, laborantins, architectes, etc.) ; et les femmes plus âgées qui entendent reprendre une activité professionnelle (métiers d’accueil et de la petite enfance) une fois que leurs enfants sont assez grands semblent oubliées dans cette réflexion.

L’étude montre aussi que la mobilité constitue souvent un frein, non au niveau du choix de l’emploi mais au niveau des démarches préalables. Les personnes interviewées considèrent qu’elles doivent souvent effectuer de longs trajets pour trouver de l’aide pour chercher un emploi, aller à des formations, etc. ce qui est à l’origine de décrochages et d’abandons précoces dans leur processus de recherche d’emploi. L’échec rencontré lors de l’étape de la recherche d’un job étudiant est aussi identifié comme un facteur qui a une influence négative dans l’implication future des jeunes lors de leur recherche d’emploi à l’âge adulte.

Dans ce contexte, les personnes interviewées ont plaidé pour un lieu unique où trouver toutes ces informations et « avoir plus d’idées sur ce qu’il est possible de faire » : les métiers existants, les carrières possibles, pour les jeunes mais également pour les mères au foyer qui souhaitaient reprendre une activité professionnelle ainsi que pour ceux qui dépendaient du CPAS et ne se sentaient pas correctement orientés/accompagnés. Pour Natacha Giloteau, coordinatrice de la maison de l’emploi à Bruxelles-ville, le résultat de cet Hackathon mais surtout son effet fédérateur au sein des habitants du quartier sont très encourageants : « Chez Actiris, mon travail consiste à stimuler des collaborations entre les acteurs régionaux et locaux pour rendre nos modes d’intervention plus pertinents. Nous avons déjà testé différentes approches. Ce que je relève de très positif dans cette démarche c’est qu’on a réussi à donner envie aux gens de s’impliquer. Souvent les gens rouspètent et ça s’arrête là. Ici, ils ont les moyens de s’engager. »

Lors de cet Hackathon, pour donner la parole à tous, animer le processus et visibiliser les propositions des participants, l’équipe a réfléchi à une méthodologie qui a été testée2 et qui a pris la forme d’un jeu. C’est celui-ci qui a permis de structurer ces 3 journées de réflexions. Une des variantes du jeu utilisée à NOH a été de demander aux participants d’aller trouver des personnes supplémentaires pour leur soumettre les propositions avant de les opérationnaliser. Cette variante a bien fonctionné : « Mon fils m’a fait penser à… » ; « Ma voisine m’a dit que…» ; Les propositions ont afflué : des attaches vélo pour la mobilité douce, un coin garderie pour les enfants, des horaires adaptés pour un service emploi, etc. Lors de la dernière étape de l’Hackathon, la sélection des projets, Natacha Giloteau a pris soin d’inviter le gestionnaire du contrat de quartier Versailles (en cours d’élaboration) pour qu’il participe à ce jury et entende bien les demandes formulées par les habitants du quartier. Et cela semble avoir fait mouche puisqu’aujourd’hui, une demande de financement a été introduite dans le cadre de ce contrat de quartier pour mettre ce lieu HoReCa sur pied. En attendant sa concrétisation, Actiris a démarré une série d’actions pour surfer sur cette dynamique positive : des ateliers jeunes, un numéro de téléphone unique, un cercle professionnel qui se réunit une fois par mois pour entendre et répondre aux difficultés énoncées par les chercheurs d’emploi de NOH.


  1. Fanny SBARAGLIA, Aurélie TIBBAUT, Etude sur les modes d’intervention des partenaires de la Maison de l’Emploi de Bruxelles-ville dans la zone géographique de NOH, ULB, Policy Lab, 41p. Fanny Sbaraglia est Research Manager à l’ULB, dans le cadre du projet européen CIVIS. Fin 2020, l’ULB et la VUB ont ouvert le Brussels Research Open Lab. Ce dernier a pour vocation d’agir comme un tiers lieu, un espace de rencontre ouvert à toutes et tous, au sein duquel les deux universités souhaitent apporter leurs compétences et leur expertise en collaboration forte avec les acteurs de Bruxelles : habitantes et habitants de la ville, membres du monde associatif, entrepreneurs et entrepreneuses, personnel des administrations publiques…autour de différentes problématiques de société.
  2. Notamment en anglais auprès d’étudiants issus de 9 universités européennes qui menaient un Hackathon sur un autre sujet. Ce jeu sera également utilisé le 29 septembre par Lire et Écrire dans le cadre d’une journée consacrée à une réflexion autour de la question de l’accompagnement des apprenant·e·s dans des missions hors-formations organisée dans le cadre d’un autre projet CIVIS.