Monsieur A a commencé à travailler dès l’âge de 17 ans, principalement dans le secteur du bâtiment. Il arrive en Belgique en 2004 à 32 ans et s’inscrit immédiatement auprès d’Actiris. À la suite de grandes difficultés pour trouver un emploi, il se tourne vers le travail au noir. Les années passent et et de lourds problèmes de dos surviennent. Aujourd’hui, cela fait environ 10 ans qu’il ne travaille plus. Un agent d’Actiris le guide vers nous et spécifie que, bien que Monsieur A se débrouille en français oral, il ne sait ni lire, ni écrire et que l’état de son dos nécessite de l’orienter vers un travail moins pénible.
Madame B, quant à elle, a 34 ans et habite à Molenbeek dans un logement précaire avec son mari, sans emploi, et leurs quatre enfants. Elle n’a aucune source de revenus, mais perçoit des allocations familiales. Elle n’est jamais allée à l’école et vit en Belgique depuis 2010 par le biais du regroupement familial. À son arrivée, elle a commencé à suivre des cours de français, puis, enceinte, les a interrompus. Aujourd’hui, elle veut trouver rapidement du travail. Dans son pays d’origine, elle s’occupait de son ménage, comme c’est le cas ici. Elle se dit robuste, volontaire et insiste sur le fait qu’elle veut travailler tout de suite. Elle envisage le secteur du nettoyage pour son futur emploi.
Monsieur A et Madame B sont des exemples courants de personnes faisant appel au Service Alpha Emploi de Lire et Écrire Bruxelles.
Chercher un emploi requiert souvent beaucoup d’efforts personnels. Mais lorsque l’on présente des difficultés à la lecture et à l’écriture en français, cela devient un véritable parcours du combattant.
Dans notre service, nous accompagnons des chercheurs d’emploi tout au long de ce parcours souvent sinueux. Nous nous adressons aux personnes adultes analphabètes, c’est-à-dire qui ne possèdent pas les compétences de base en lecture et écriture, qui ont été peu ou pas scolarisées en Belgique ou dans leur pays d’origine et qui maitrisent souvent mal le français oral.
Un chemin plein d’embuches
Depuis vingt-trois ans d’existence du Service Alpha Emploi, nous avons observé quelques redondances dans les parcours des personnes que nous accompagnons. Ainsi, par exemple, il est fréquent de constater que des chercheur·euse·s d’emploi n’ont souvent qu’un seul et unique objectif professionnel, assez similaire à l’objectif donné par d’autres personnes dans la même situation. Pourquoi ? Parce qu’il·elle·s croient qu’il sera plus facile de trouver rapidement un emploi dans le secteur du nettoyage, ou celui du bâtiment ou encore celui de l’HoReCa. Ceci a pour effet néfaste de créer une forme de concurrence pour les offres d’emplois disponibles dans les métiers infraqualifiés visés (tels que technicien de surface, plongeur, aide-ménagère, ouvrier polyvalent du bâtiment, ou balayeur de rue).
Certain·e·s chercheur·euse·s d’emploi ayant peu d’expérience professionnelle sont désireuses de suivre une formation en vue de trouver plus facilement un emploi ensuite. Malheureusement, l’accès aux formations a des exigences en lecture, écriture, mais aussi en calcul, qui limitent fortement les possibilités d’évolution pour ce public, qui est pourtant très motivé1.
Nous avons également remarqué que les femmes ont souvent pour objectif unique le nettoyage. Certaines nous disent ouvertement qu’elles pensent ne pas avoir accès à d’autres métiers à cause de leur faible niveau de scolarisation. Elles voient alors en l’activité de nettoyage leur seule alternative. Cette activité, elles la connaissent bien car elles ont toujours été amenées à la faire chez elles.
Par ailleurs, nous savons combien les personnes analphabètes rencontrent des difficultés à se déplacer, à se repérer parmi les indicateurs de lieux. Ce qui provoque une grande appréhension à circuler dans Bruxelles, et notamment dans des communes ou quartiers qu’elles ne connaissent pas ou peu. Alors, certaines borneront leur recherche d’emploi aux alentours de chez elles. Au-delà du fait d’être confrontées à l’inconnu, ne pas pouvoir s’aider de la lecture pour se repérer s’ajoute à cette crainte. C’est pourquoi plusieurs personnes que nous accompagnons ne souhaitent pas chercher un emploi en dehors de Bruxelles, car pour la majorité d’entre elles, cela nécessite de prendre le train et ce n’est pas facile. Acheter son billet est déjà une épreuve. Préparer un itinéraire n’est pas une chose anodine non plus. Parmi les personnes que nous rencontrons, beaucoup ne sont pas motorisées ou n’ont pas encore le permis de conduire. Elles ne peuvent envisager de faire de longs trajets pour décrocher un emploi. Cela peut parfois être objet de discrimination à l’embauche et, à ce titre, constituer aussi un frein à l’accès à l’emploi. Pour obtenir le permis de conduire, il faut suivre une formation. Sans adaptation pédagogique pour ce qui requiert de la lecture et de l’écriture dans la préparation à l’examen routier, c’est très difficile. A notre connaissance, il n’existe pas de formation pratique adaptée.2 Seules quelques initiatives ont existé çà et là, mais rien de structurel n’est déployé pour les publics fragilisés. Il n’y a pas non plus de cours adapté pour apprendre à se déplacer aisément en dehors de Bruxelles. Sur le plan de la mobilité pour ce public, il semble qu’il y ait encore bien à faire.
Mais il y a encore d’autres embuches à surmonter. Ainsi, par exemple, en raison de leurs difficultés en lecture et/ou en écriture, il arrive que les personnes analphabètes soient victimes de préjugés à l’embauche. En effet, nombre d’employeurs ou citoyens les pensent incapables de travailler. Alors qu’au contraire, les personnes que nous accompagnons mettent tout en œuvre pour satisfaire aux exigences de leur milieu professionnel et ont développé beaucoup de compétences pour y arriver3.
Les démarches administratives sont également une grande source d’angoisse pour notre public. C’est pour cette raison que certains qui, par le passé, ont déjà fait l’expérience du travail à temps partiel, ne sont plus intéressés par ce type de contrat. En effet, en tant que bénéficiaire d’allocations de chômage, accepter un contrat à temps partiel engendre un certain nombre d’actions, telles qu’obtenir les documents ad hoc, indiquer les heures prestées chaque jour et transférer correctement le tout à qui de droit. Régulièrement, pour s’assurer d’avoir bien rempli ces documents, des personnes que nous suivons viennent faire relire leurs pièces justificatives. Car à la moindre erreur, le complément de chômage se verrait impacté.
Il n’est pas rare que notre public se trouve coincé dans des complexités administratives (vécues comme une forme de violence institutionnelle) qui ont pour conséquence d’aggraver leur situation, souvent déjà précaire4.
Dans la même ligne de conduite, il faut savoir qu’être engagé avec l’attestation activa.brussels (une aide à l’emploi parmi d’autres possibles) peut engendrer des retards de paiement, ce qui insécurise beaucoup notre public, qui, comme tout un chacun, a divers frais à honorer à temps. En effet, le scénario est souvent le même : pour avoir droit à l’aide financière à l’engagement, le travailleur reçoit un document, qu’il doit compléter et envoyer à son organisme de paiement. Ce dernier y complète la partie qui lui incombe et le transfère à l’Office national de l’Emploi (ONEM) qui doit donner son feu vert, si l’employeur a correctement rempli, de son côté, la Déclaration Immédiate/Onmiddellijke Aangifte (DIMONA). Si ce circuit fonctionne habituellement assez bien, de petits délais de réponse peuvent survenir à différents niveaux et gripper la mécanique. C’est alors directement le travailleur qui est pénalisé dans sa rémunération.
La recherche d’un emploi nécessite également une certaine rigueur et un sens de la gestion. En cas de contrôle par le service Disponibilité, attaché à Actiris, les chercheur·euse·s d’emploi doivent pouvoir fournir les preuves de toutes leurs démarches de recherche d’emploi. Si c’est déjà laborieux pour la plupart des gens de répertorier toutes ces pièces, on peut aisément s’imaginer combien ça l’est davantage quand on ne sait quasiment ni lire ni écrire.
Aussi, force est de constater qu’à l’heure actuelle, postuler se fait de plus en plus via un mail ou via un formulaire en ligne. La crise sanitaire a rendu les choses encore plus difficiles car de nombreux services sont passés au « tout numérique », laissant de côté les personnes qui ne maitrisent pas l’outil informatique, indépendamment de la maitrise de la lecture et l’écriture. Alors, nous tentons de pallier leurs difficultés en cherchant des offres d’emploi sur Internet et en postulant pour eux via mail.
Heureusement, le bouche à oreille fonctionne. Par chance, le réseau relationnel aboutit encore aujourd’hui à trouver une piste d’emploi. Le revers de la médaille est que ceux qui sont isolés ne bénéficient pas de cette dynamique.
Un marché de l’emploi compliqué
Comme soulevé par Iria Galván Castaño, responsable de projets de recherche à Lire et Écrire Bruxelles, l’accès limité au marché de l’emploi influence également les choix et les aspirations professionnelles5. Le chômage de masse et la forte précarité poussent à accepter le premier emploi qui se présente, même s’il est précaire. Dans ces conditions, avoir un travail n’est pas perçu comme une source d’épanouissement, mais uniquement comme un moyen de gagner sa vie.
Trouver des offres d’emploi accessibles pour notre public dans les secteurs tels que le nettoyage, l’HoReCa et le bâtiment devient de plus en plus difficile. En effet, parmi les offres publiées en l’espace d’une semaine, nombreuses sont celles qui sont uniquement accessibles aux jeunes diplômés (Stage First d’Actiris). D’autres font de plus en plus mention de la nécessité de pouvoir lire et écrire pour exercer le métier. Il nous arrive même de voir que des employeurs demandent que la personne ait un diplôme CESS pour effectuer du nettoyage. Pour certains postes, la maitrise du néerlandais ou de l’outil informatique peut aussi être exigée. Illustrant ceci, nous avons récemment vu passer une offre d’emploi où la maitrise d’Excel était requise, afin de pouvoir accéder aux plannings de travail de nettoyage. Tous ces éléments limitent donc le nombre d’offres d’emploi auxquelles notre public peut prétendre.
Des statistiques officielles n’existent pas à ce sujet, cependant ce qui attire notre attention lorsque nous consultons la base de données du Réseau des Partenaires pour l’Emploi (Actiris), les différents CV des chercheurs d’emploi, ou encore les offres d’emploi, c’est qu’une grande partie des contrats sont « atypiques»6, c’est-à-dire de courte durée tels que des contrats d’intérim, de remplacement ou à durée déterminée avec horaires décalés (avant ou après les horaires de bureaux) ou encore à horaires coupés. Ce sont des contrats précaires qui remplacent de plus en plus les contrats à durée indéterminée tels que dénoncés par Robert Castel dans son ouvrage Les métamorphoses de la question sociale – Une chronique du salariat. « [La précarisation du travail a une] caractéristique, moins spectaculaire, mais sans doute plus importante encore. Celle du contrat de travail à durée indéterminée qui est en train de perdre de son hégémonie7. » Le contrat à durée indéterminée qui était à son apogée dans les années 1970, est de moins en moins proposé de nos jours. Il cède la place à des perspectives à court terme : contrat de travail à durée déterminée (CDD), intérim, différentes formes de travail conclues sous forme d’aide à l’emploi venant des pouvoirs publics dans une volonté de résorption du chômage. Nos chercheur·euse·s d’emploi reçoivent alors des propositions de contrats de type activa.brussels ou ECOSOC8 et les acceptent, souvent par crainte de n’avoir aucune autre alternative en cas de refus. Mais, malgré l’apparence d’un contrat de longue durée, nous savons que, très fréquemment, ils risquent une suspension de travail lorsque la prime à l’embauche se terminera et que l’employeur n’y trouvera plus son compte.
Être parent et chercher du travail
Les pouvoirs publics ne facilitent pas l’insertion socioprofessionnelle des parents (des mamans en particulier). Malgré les aides financières octroyées, les solutions de garde d’enfants sont généralement couteuses9 et faute de structures d’accueil financièrement accessibles, le parent se trouve facilement dans ce qu’on appelle un piège à l’emploi. Le piège à l’emploi, c’est quand le chercheur d’emploi n’a aucun avantage à accepter un travail ou lorsque l’avantage de le décrocher est insignifiant par rapport à sa situation actuelle. Par exemple, si la personne trouve une fonction rémunérée 200 euros de plus que ses allocations, mais doit payer des frais supplémentaires de garde, de déplacement, d’habillement, etc., travailler engendre donc pour elle davantage de frais encore. De plus, les crèches sont tellement prisées qu’il faut introduire très tôt une demande de place pour son enfant, souvent alors même qu’il n’est pas encore né. Les personnes sans emploi ne sont pas prioritaires pour obtenir cette place tant convoitée. Dans la plupart des cas, elles ne cherchent une structure de garde que lorsqu’elles sont sûres de pouvoir décrocher un emploi ou une formation.
Comme nous le rappelle Hélène Périvier sur base du travail de Jeanne Fagnani et Marie-Thérèse Letablier10 : « La présence d’enfants de moins de trois ans dans un ménage pèse sur l’emploi des mères : les tâches domestiques, en particulier les soins aux jeunes enfants, sont majoritairement supportées par les femmes. Elles sont considérées comme les plus aptes à s’occuper des enfants et ajustent leur comportement sur le marché du travail en conséquence ». Ce phénomène s’observe aussi parmi des bénéficiaires de l’action du Service Alpha Emploi de Lire et Écrire Bruxelles. Chaque année, nous accompagnons presqu’autant d’hommes que de femmes. Mais la fréquentation des femmes a tendance à augmenter depuis ces trois dernières années. Ce qui pourrait laisser penser que des changements sociaux s’opèrent dans toutes les sphères de notre société. Cependant, nous remarquons que les participantes à notre programme d’accompagnement demeurent plus vulnérables que les hommes dans leur recherche d’emploi. Sur son site, l’Organisation Internationale du Travail indique que « le taux global de participation au marché du travail chez les femmes est actuellement proche de 49 %, tandis que celui des hommes est de 75 % »11. La vulnérabilité des chercheuses d’emploi pourrait s’illustrer par le fait que les mères exposent, dès leurs premiers rendez-vous avec leur conseiller emploi, des critères de recherche d’emploi limitants et calqués sur leurs obligations parentales, ce qui ne s’observe pas d’emblée aussi massivement chez les hommes. Ainsi, auront-elles tendance à prioriser les emplois à temps partiel, non par choix personnel mais par nécessité d’obtenir des horaires de travail adaptés au rythme des enfants ou de la cadence scolaire, donc sortant peu du cadre 9h-15h, avec indisponibilité à travailler le week-end. Cette organisation du travail constitue l’un des principaux motifs du renoncement au travail à temps plein pour les femmes, car elles continuent à assumer la plus grande part des charges domestiques et familiales. Ajoutons à cela que la majorité de nos participantes préfèrent viser un emploi s’approchant au plus près des tâches qu’elles sont habituées à faire à la maison, les demandes se concentrent principalement sur le nettoyage, parfois un travail de cuisine ou de garde d’enfants (ces postes étant en accès réduit sans formation ou diplôme adéquat)12.
Outre la condition de mère, parfois celle d’épouse peut également intervenir dans le processus. Ainsi avons-nous constaté que certaines de nos participantes doivent d’abord obtenir l’accord de leur conjoint avant de faire des démarches de recherche d’emploi, de postuler à une offre d’emploi ou même d’accepter un nouveau travail. Nous avons connu quelques insuccès de parcours pour cause de désapprobation du mari. Alors, notre seule option est d’accompagner la femme dans ce qu’elle vit, tout en restant dans le juste équilibre entre notre action et la limite de la vie privée.
Un soutien d’Actiris tout relatif
Historiquement, Actiris était le plus grand pourvoyeur de public pour notre service, certes avec une proportion importante d’erreurs d’orientation, soit parce que les candidats avaient un niveau de scolarité trop élevé (enseignement secondaire supérieur, voire universitaire) dans leur pays d’origine et ne pouvaient dès lors pas être considérés comme analphabètes, soit parce qu’ils ne maitrisaient pas suffisamment le français à l’oral. Depuis quelques années pourtant, force est de constater une diminution drastique du nombre de personnes orientées par Actiris vers notre service. Nous en ignorons la cause exacte, mais nous ne pouvons pas imaginer qu’il s’agisse d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi ne maitrisant pas le langage écrit, puisque nous observons par ailleurs un maintien du niveau d’analphabétisme au sein de la population.
S’agit-il d’une méconnaissance du phénomène de l’analphabétisme menant à confondre les chercheurs d’emploi étrangers scolarisés, relevant du Français langue étrangère (FLE), avec ceux non scolarisés, ayant besoin de cours d’alphabétisation ? Notre public est-il orienté préférentiellement vers d’autres organismes qui s’occupent également de cette catégorie spécifique de demandeurs d’emploi ? Y aurait-il moins de propension, à la base et au sein de la population générale, à fréquenter Actiris ?
En parallèle à cette baisse d’orientation de la part d’Actiris, nous faisons face à une toute autre difficulté : la digitalisation accrue des services, qui insistent lourdement, à coups de rappels téléphoniques, pour que les chercheurs d’emploi créent et utilisent leur compte My Actiris, afin d’effectuer et d’enregistrer leurs démarches, arguant de l’importance de cet outil pour leur contrôle de disponibilité sur le marché de l’emploi. Or, il se trouve que cet outil, déjà peu pratique à utiliser pour une personne scolarisée, n’est pas du tout adapté pour notre public.
Sur fond de crise sanitaire, le recours privilégié au « tout numérique » est justifié par le bon respect des règles de distanciation, indépendamment du fait que les personnes maitrisent ou non l’utilisation des interfaces informatiques ou de leur smartphone, quand elles en ont un. Ainsi, des convocations à des séances d’information ou de contrôle imposées en modalité de visioconférence placent les chercheurs d’emploi dans l’obligation d’installer (ou plutôt de faire installer) des applications sur un appareil digital (smartphone, tablette ou autre), en espérant pouvoir s’en sortir pour se connecter à temps et ne pas être pénalisés. Il n’est pas rare pour nous d’accueillir des candidats en nos locaux pour leur laisser du matériel informatique à disposition, afin qu’ils puissent se connecter et suivre une séance d’informations d’Actiris en ligne.
Et les politiques de l’emploi dans tout cela ?
L’Etat social actif est un courant de pensée dominant auprès des pouvoirs publics et des politiques, dont le principal objectif est l’activation de toutes et tous13. Ce paradigme fait pression sur les chercheur·euse·s d’emploi. Ses dérives ont également un impact sur les opérateurs de formation en alphabétisation. En effet, pour ces derniers, la contradiction est de taille : au-delà de leur mission de formation, une part importante de leur travail est de mener une action sociale auprès de et avec leur public. Or, comment mener à bien cette action tout en « activant » les gens ? Comment aller au bout d’une action sociale tout en respectant les contraintes administratives et financières posées par les institutions dont dépendent les organismes sociaux ?
Du côté des personnes en recherche de travail, cette « activation » commanditée par les pouvoirs publics engendre un ballotage entre plusieurs opérateurs subsidiés. Dans de nombreux parcours individuels, bien des acteurs sont régulièrement impliqués de près ou de loin dans le cheminement de formation ou professionnel des personnes que nous rencontrons. Or, cette multiplication d’intervenants peut décourager un public analphabète qui ne sait pas facilement vers qui se tourner et comment se faire entendre dans l’expression de ses besoins. Dans cette société, il doit quotidiennement faire face à des exigences politiques et institutionnelles qui tiennent peu compte de sa voix. A nous de l’aider à la porter plus haut.
Pour Monsieur A et Madame B, chercher un emploi est un véritable parcours du combattant.
- Voir aussi à ce sujet le Journal de l’alpha n°215 du 4ème trimestre 2019 sur la validation des compétences et notamment l’étude de Sylvie-Anne GOFFINET, La validation des compétences : quelles perspectives pour les personnes en difficulté de lecture-écriture ?, https://lire-et-ecrire.be/Journal-de-l-alpha-215-Validation-des-competences-et-certification. Voir aussi : Iria GALVAN CASTANO, Magali JOSEPH, Claire CORNIQUET, Els DE CLERCQ, Face à l’emploi : Regards de personnes analphabètes sur leur travail, Lire et Écrire Bruxelles, Décembre 2014, https://lire-et-ecrire.be/IMG/pdf/etude_face_a_l_emploi_leebxl_2014.pdf
- Néanmoins, les personnes ayant des difficultés de compréhension ou de lecture peuvent présenter l’examen théorique en session spéciale (moyennant certificat ou une attestation complétée par un centre psycho-médico-social, d’un institut d’enseignement spécial, d’un centre d’observation et de guidance ou d’un centre d’orientation professionnelle). Les candidats seront alors assistés par un examinateur qui leur fournira les explications nécessaires à la compréhension des questions, https://www.autosecurite.be/faq/seances-speciales-difficultes-de-lecture-ou-de-comprehension/.
- Voir à ce sujet les témoignages publiés dans le Journal de l’alpha n°215, op.cit.
- D’autant plus que les services ont tendance à se dématérialiser.
- Iria GALVAN CASTANO, Pénibilité au travail pour les personnes analphabètes, une réalité inéluctable ? in Revue nouvelle, n°4, avril 2016, https://www.revuenouvelle.be/Penibilite-au-travail-pour-les-personnes
- Voir : Valentine HELARDOT, Précarisation du travail et de l’emploi : quelles résonances dans la construction des expériences sociales ? in Empan, vol. 60, n° 4, 2005, pp. 30-37, www.cairn.info/revue-empan-2005-4-page-30.htm
- Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale – Une chronique du salariat, Gallimard, 1999, p.646.
- Emploi d’insertion en économie sociale (ECOSOC). Voir : https://www.actiris.brussels/fr/citoyens/emploi-d-insertion-en-economie-sociale/.
- Voir : https://www.one.be/public/detailarticle/news/ou-trouver-une-simulation-du-tarif-en-milieu-d-accueil-rdv-sur-my-one-be/
- Hélène PÉRIVIER, Emploi des mères et garde des jeunes enfants en Europe, in Revue de l’OFCE, vol. n°90, n°3, 2004, pp. 225-258.
- Voir : https://www.ilo.org/infostories/fr-FR/Stories/Employment/barriers-women#gender-gap-matters
- Voir : Iria GALVAN CASTANO, Magali JOSEPH, Claire CORNIQUET, Els DE CLERCQ, Face à l’emploi : Regards de personnes analphabètes sur leur travail, op.cit., p.14.
- Sur l’Etat social actif, voir notamment : Journal de l’alpha, n°189, mai-juin 2013, https://lire-et-ecrire.be/Journal-de-l-alpha-189-L-Etat-social-actif.