Dans cet entretien, Marilyn Demets, formatrice à Lire et Écrire Wallonie picarde, raconte son métier, une vocation. Elle dévoile d’abord sa triste expérience dans le milieu scolaire qui l’a menée vers l’alphabétisation pour adultes et qui, malgré sa rudesse, a été porteuse d’enseignements pour sa pratique de formatrice. Elle décrit ensuite comment elle travaille avec les groupes d’apprenants, déroule le fil des formations à partir de quelques exemples marquants. Avec une grande modestie, elle relate comment elle instaure le partage du pouvoir et du savoir au sein des groupes. Une militante tout en discrétion.

Voyage local en carte postale, pochettes-carnet de bord, points de croix et autres inattendus. Récit d’une formatrice en alphabétisation populaire (1)

Entretien avec Marilyn Demets, Lire et Écrire Wallonie picarde
Propos récoltés et mis en forme par Aurélie Audemar,
avec l’aide de Nancy D’Hondt pour la retranscription,
Lire et Écrire Communauté française

De l’enseignement à l’alphabétisation populaire

Tu pratiques l’alphabétisation populaire à Lire et Écrire depuis longtemps, sans avoir attendu le cadre de référence pédagogique1. Pourquoi as-tu opté pour cette approche ?

Dans mes activités professionnelles précédentes, j’ai souvent été en contact avec des personnes en difficulté de lecture et d’écriture, dans différents milieux, avec des gens très différents. Accoler le terme « populaire » à « alphabétisation » m’étonne car, pour moi, l’alphabétisation ne peut être QUE populaire.

Juste avant de travailler à Lire et Écrire, je travaillais comme enseignante en arts plastiques. Ça se passait très mal à l’école. C’était violent. Je me souviendrai toujours de ce moment où, alors qu’on m’avait demandé de surveiller l’étude, un élève avait renversé une armoire. L’étude, c’était cinquante élèves que je ne connaissais pas, que je ne savais même pas appeler par leur nom. Je pleurais tous les jours en rentrant chez moi. J’ai tenu trois mois. C’était très dur. Mais il y a eu ces deux fois, les deux seules qui se sont bien passées…

La première, c’était le jour où un garçon est entré dans mon cours de techniques manuelles alors que j’étais en train d’enseigner les points de croix. Il m’a dit : « J’ai étude, est-ce que je peux rester près de vous ? » Comme je n’osais pas lui dire non parce qu’il en imposait physiquement – il devait faire deux mètres et il m’avait déjà poursuivie une première fois –, je lui ai répondu : « Oui, mais on fait de la broderie. » Il s’est installé à côté de moi. Il s’est mis au travail. Il a commencé à me raconter : « Moi, je viens d’un foyer, on m’a mis dans cette école-ci, ce n’est pas du tout ce que je veux faire, je voudrais être menuisier et on m’a mis dans une section mécanique. » Il a été calme pendant les trois heures de cours. Il avait 15 ans, il n’avait pas envie d’être là, on l’empêchait de faire ce qu’il voulait faire, donc évidemment qu’il ruait tout le temps dans les brancards. La plupart des enfants qui étaient dans cette école venaient du même foyer.

La deuxième fois où il y a eu un moment suspendu, c’est un jour où j’en avais tellement marre de ne pas être écoutée et de voir les élèves occupés à tout autre chose que ce que je leur avais demandé de faire. J’ai fini par les interpeler : « Vous faites quoi ? » Ils m’ont répondu : « On a une interro dans une autre matière, on est en train de se préparer mais on ne comprend rien. » J’étais tellement dépitée que je leur ai proposé de me montrer ce qu’ils faisaient. Je suis alors allée d’élève en élève et je les ai aidés à comprendre. Ce jour-là, personne n’a râlé, ni n’a commencé à faire n’importe quoi. On n’a pas travaillé sur ce que j’avais prévu ni spécialement sur ce qu’ils aimaient mais sur leur intérêt du moment. C’est ce jour-là que j’ai réalisé que mon rêve de petite fille d’être institutrice, c’était ça, que je ne voulais plus donner un cours qui n’intéresse personne, plus être prof dans une matière unique et enfermante. Forcer des personnes à apprendre quelque chose qu’elles n’ont ni envie ni besoin d’apprendre, c’est insensé.

Qu’est-ce que tu voulais faire alors ?

Quand je suis arrivée en alpha, d’abord je ne savais pas ce que j’étais autorisée à faire. Il a fallu du temps pour que je n’aie plus peur de « mal » faire. Une fois que j’ai été rassurée par rapport à ça, j’ai eu ENVIE de faire plein de choses différentes avec les groupes, et surtout que ça ait du sens pour les apprenants, qu’ils aient un intérêt. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, je pars beaucoup de ce qu’ils me demandent, de leurs centres d’intérêt que je croise avec les miens. Sans leur adhésion, ça ne fonctionne pas.

Points de départs : point de croix et autres inattendus

Comment tu fais pour partir de ce que les gens demandent en formation ?

Je ne fais rien (rires). Au début, je préparais beaucoup trop parce que j’avais besoin de me rassurer. Maintenant, ce n’est plus du tout le cas. Ma question n’est plus « qu’est-ce que je vais faire demain ? » mais « qu’est-ce que je vais abandonner demain ? ». J’ai une liste incroyable de choses qu’on pourrait faire, soit des choses que les apprenants m’ont demandées, soit qu’on est en train de faire et qu’il faut continuer, ou encore des pistes apparues en faisant ceci ou cela.

De manière générale, je propose beaucoup de travaux manuels en formation parce que je me suis rendu compte que de nombreux gestes qui sont considérés comme évidents ne le sont pas, tel que savoir découper ou encore emboiter des éléments pour construire une forme en trois dimensions. J’ai encore pu le constater récemment dans un projet que nous menons. Il s’agit de la réalisation d’un jeu à partir de matériaux de récupération. À partir de gros blocs qu’on doit emboiter comme des Lego, un participant voulait créer une tour mais il ne savait pas comment empiler les blocs pour faire des fenêtres.

Après avoir douté, m’être demandé si j’étais « dans le bon » en organisant ce genre d’activités qui, vues de l’extérieur, ne correspondent pas à l’image de l’alphabétisation, j’ai osé les développer, notamment grâce à mes premières expériences en coanimation avec Virginie, une collègue plus expérimentée. J’ai commencé par initier les apprenants au point de croix parce que, dans le groupe, il y avait des personnes qui avaient envie d’apprendre cette technique qui, par ailleurs, demande de nombreuses compétences en mathématiques : il faut projeter un dessin sur une surface définie, pouvoir compter, centrer son travail. C’est aussi l’apprentissage d’un geste répétitif précis. J’ai ensuite continué à proposer des activités manuelles liées à la couture quand ça avait un sens. Contrairement au stéréotype, les hommes tout autant que les femmes adhèrent très rapidement si la confiance est là.

Correspondance en temps de pandémie : la carte postale

Tu peux donner un exemple de ce que vous êtes en train de faire aujourd’hui ?

J’avais vu sur Facebook, un appel d’enfants de neuf ans scolarisés à l’École européenne de Mouscron. Ils racontaient qu’ils n’avaient pas pu partir en vacances durant l’été à cause des mesures liées à la pandémie et qu’ils souhaitaient voyager autour du monde au travers de cartes postales. J’en ai parlé au groupe pour savoir si ça les intéressait de répondre à cette demande et la réponse a été affirmative.

Après réflexion et échanges, nous avons décidé de créer une carte postale nous-mêmes au lieu d’en acheter une. Pour décider du recto de la carte, nous avons dressé une liste de tout ce qui pourrait être intéressant à découvrir à Tournai pour des enfants de leur âge : le Musée de la marionnette, le Musée de l’histoire naturelle, la statue de Martine2… Nous avons alors choisi cette dernière car elle est en extérieur. Avec les mesures sanitaires, c’est ce qui nous semblait le plus accessible.

Aussi, comme les enfants nous avaient envoyé une photo de leur classe avec les drapeaux européens, nous nous sommes dit que nous pourrions nous en inspirer. C’est comme ça que nous sommes allés en ville, un jour où le soleil brillait, pour faire une photo de nous tous à côté de la statue de Martine avec les gilets Lire et Écrire et nos masques. Puis nous nous sommes interrogés sur ce qu’on pourrait leur raconter et nous avons écrit un texte pour nous présenter et expliquer les raisons de notre photo.

Photo du groupe auprès du la statue de Martine.

Comment avez-vous procédé pour l’écriture du texte collectif ?

Je leur ai demandé : « Qu’est-ce que vous avez envie de leur écrire ? » Nous avons alors ensemble dressé une liste de tous les contenus qui paraissaient intéressants. Chacun a fait part de son idée : se présenter, dire qui on est, expliquer pourquoi le choix de la statue de Martine, etc. J’ai ensuite invité chacun à écrire ce qu’il souhaitait à partir de cette liste. Puis chacun a partagé son écrit.

Lors de l’écriture d’un texte collectif, la consigne est de produire un message compréhensible, c’est-à-dire axé sur le sens et en osant écrire même ce qu’on ne pense pas encore savoir orthographier. On travaille toujours, d’abord et avant tout, le texte pour qu’il fasse sens, puis ensuite seulement on travaille l’orthographe. Le texte est noté au tableau tel qu’ils l’ont eux-mêmes rédigé. Puis on regarde, on observe, on analyse. Je leur demande : « Qu’est-ce qu’il faudrait changer ? Pourquoi ? …» Et on discute de chaque erreur. Dès qu’ils voient le texte au tableau, certains remarquent immédiatement qu’il manque une info ou une idée, à quel endroit il y a une erreur, qu’il manque un mot… Je le lis et le relis pour que les débutants en lecture puissent participer, si pas toujours à l’orthographe, au moins au sens.

Comme il s’agissait ici de textes individuels mais qu’il y avait matière à créer un texte collectif, normalement, j’aurais demandé à chaque personne de venir écrire son texte au tableau mais, avec les règles sanitaires, c’est moi qui ai recopié chaque texte. Après avoir mis ensemble et corrigé les textes de tous, nous avons choisi les idées que nous voulions garder en fonction de nos intentions et des destinataires.

Une fois le texte rédigé, il a fallu décider qui allait le recopier sur la carte. Pour ce faire, nous avons fait des exercices pour apprendre à adapter la taille de sa graphie en fonction de l’espace disponible, sachant que le texte était un peu long et qu’il devait entrer sur un format carte postale. Puis nous avons choisi la personne qui avait l’écriture la plus lisible.

La carte postale du groupe, résultat d’un travail collectif de A à Z.

Quand tu leur as parlé de ce projet, qu’est-ce qui, d’après toi, les a enthousiasmés ? D’où est venue leur curiosité ?

Ils sont toujours partants pour tout. C’est un groupe que j’ai depuis longtemps, même s’il y a toujours des arrivées et des départs. Mais il y a un noyau dur. Ce sont des personnes qui ont l’habitude de travailler avec moi, avec qui j’ai déjà réalisé pas mal de projets et je crois qu’ils se rendent compte qu’ils apprennent des choses nouvelles, ils font des expériences et des découvertes auxquelles ils ne s’attendaient pas.

Ce qui fait qu’ils adhèrent à ce type de proposition, même si parfois certains sujets les intéressent un peu moins, c’est que je fais le lien avec leur projet individuel de formation. Par exemple, quelqu’un avait exprimé vouloir envoyer des cartes postales aux anniversaires de ses petits-enfants, donc nous l’avions noté comme un de ses objectifs d’apprentissage. Un autre voulait apprendre à écrire une lettre. Nous n’avons pas directement travaillé leurs demandes mais nous pouvons faire des liens et identifier, dans ce que nous avons fait, ce qu’ils pourront transférer dans d’autres situations, proches de celles travaillées en groupe. Nous pouvons aussi reprendre les points communs entre les différentes formes de messages écrits : lettre et carte postale.

Il y a aussi une question de confiance. Ils se sont rendu compte qu’à chaque fois, nous allons au bout du projet, que le résultat est satisfaisant. Et c’est important qu’il y ait toujours une production, une trace du travail, valorisante, partagée avec d’autres et incluant un travail manuel.

J’ai remarqué aussi que les apprenants ont très souvent l’envie de rendre service, d’être solidaires. La demande ne vient parfois que d’une seule personne, parfois aussi de Lire et Écrire, mais les autres sont d’accord de travailler sur la proposition, simplement car quelqu’un en a besoin.

Pochettes–carnet de bord et mode d’emploi

Dans ce projet que tu viens de raconter, vous avez créé, écrit une carte postale et entamé une correspondance avec des enfants. Tu as d’autres exemples de productions ?

Nous fonctionnons en entrées et sorties permanentes. Mon groupe est multiniveau avec des personnes francophones et non francophones. Quand un apprenant commence sa formation, on établit ensemble un projet individuel de formation (PIF) qui formalise nos échanges sur ce pour quoi il vient en formation, ses objectifs d’apprentissages… Puis, au fil de la formation, nous reprenons ces éléments et nous mettons à plat ce que l’apprenant a appris, s’il a atteint ses objectifs, si de nouveaux sont apparus. J’ai une farde pour garder les traces de ce que nous faisons au fil des jours car ce format permet de classer les choses dans un certain ordre. Chaque apprenant constitue parallèlement un carnet de bord.

En lien avec le fait que le groupe se modifie régulièrement, en plus de proposer un carnet de bord sous forme de farde, depuis deux ans, je leur propose de transformer leur PIF en petites cartes et de les ranger dans des pochettes en tissu : une pochette avec un bouton vert et une autre avec un bouton rouge. Ce que chacun souhaite apprendre est noté en une phrase sur un petit carton : « Je voudrais être capable de … » En début de formation, tous les papiers sont dans la pochette avec le bouton rouge, puis, petit à petit, ils passent dans celle avec le bouton vert. En effet, à chaque évaluation, l’apprenant reprend ses objectifs d’apprentissages et, ensemble, nous nous interrogeons : « A-t-on travaillé pour que tu puisses atteindre cet objectif ? Oui ? Non ? Comment ? » « Tu réussis maintenant à le faire ? Oui ? Non ? Pourquoi ? » Ça m’aide aussi à faire un point sur ce qu’on a travaillé, ce qu’ils savent faire, à vérifier si je tiens compte de leurs demandes, à déterminer des pistes de travail pour la suite. Et ça permet aux apprenants de voir plus clair dans la progression de leur PIF qu’avec une farde qu’ils devraient relire à chaque évaluation.

Aussi, ces pochettes, il a fallu les fabriquer. Pour ce faire, je leur ai donné un mode d’emploi de fabrication écrit.

Nous travaillons beaucoup à partir de modes d’emploi. Par exemple, comme il était beaucoup question des masques durant cette période, quand, après le premier confinement, on a repris en présentiel, je leur ai donné un mode d’emploi pour fabriquer un masque en papier, avec pour consigne de réaliser ce qui était décrit. Ils devaient alors lire, c’est-à-dire comprendre, puis identifier les informations nécessaires à la réalisation des mesures, jusqu’à la production du masque. Je travaille de cette manière car, suite à la lecture d’un mode d’emploi, il y a toujours une réalisation qui rend les contenus de la lecture, des savoirs mathématiques, de l’écriture… concrets. Le petit « piment » c’est que c’est toujours une surprise. Je ne leur dis pas ce qu’ils doivent réaliser. Ceux qui ont l’habitude s’amusent dès le départ à faire des hypothèses sur la réalisation finale.

Pour fabriquer les pochettes, nous avons donc, d’abord, mené un travail en lecture, puis en mathématiques : calculer, mesurer… Ils ont dû ensuite utiliser une machine à coudre. Certains sont très à l’aise avec la couture et se sont chargés des coutures plus difficiles à réaliser pour ceux qui l’étaient moins. Et, pour personnaliser les pochettes de chacun, ils ont fabriqué un bonhomme qui les représentait à partir d’une photo d’eux-mêmes. C’est une idée que m’avait soufflée ma collègue Lysiane.

Quand le travail manuel devient l’allié de l’apprentissage et de l’évaluation formative…

Partager pouvoir et savoir

C’est une forme très créative de Mes Chemins d’apprentissages3 que tu proposes là. Le travail qui a été mené autour du cadre de référence et les différents outils qui ont été créés t’ont-ils apporté quelque chose ?

Le cadre de référence pédagogique a remis tout en place pour moi. J’ai eu des difficultés au départ car j’ai du mal avec le théorique, je dois d’abord me plonger dedans, poser des questions et après, ça se met en place. Il se fait aussi que j’ai collaboré à l’élaboration de l’outil Mes chemins d’apprentissages puisqu’avec le groupe que j’animais, nous l’avons testé. Lors de la phase de test de la première version, certains termes n’allaient pas, les parties étaient trop nombreuses, ce n’était pas visuel et, pour des gens qui ne savent ni lire ni écrire, c’était beaucoup trop fourni. Quand on a reçu la nouvelle version, même si on aurait pu encore enlever certains éléments qui, pour nous, n’étaient pas nécessaires, on a pu constater qu’on avait tenu compte de notre avis et de celui que d’autres avaient donné.

Ce n’est pas la première fois qu’on demande l’avis de notre groupe sur des documents de ce type qui viennent aussi parfois d’autres institutions. Quand les apprenants voient que leurs remarques sont prises en considération, qu’ils ne s’investissent pas pour rien et qu’ils voient un résultat positif, ils sont plus confiants et partants quand j’arrive avec de nouvelles propositions. Cependant, avec ce type de projets, je ne suis pas certaine d’engager autant les apprenants dans le combat politique de Lire et Écrire que d’autres formateurs, mais j’essaye de le faire à ma mesure.

Au-delà du combat politique, ce qui est au cœur de l’alpha populaire, c’est comment on déconstruit la posture du formateur, la manière dont on travaille avec les apprenants, comment on partage le pouvoir et le savoir avec eux et comment ils le partagent entre eux. C’est en soi une démarche politique et cela n’empêche pas la construction de discours et d’actions politiques vers l’extérieur. Au contraire, il me semble que dans ce que tu proposes, il y a un espace pour construire ces discours et ces actions.

Ce que je voudrais ajouter, c’est qu’on travaille aussi beaucoup avec le groupe Réseau de la régionale4 parce qu’il y a actuellement quatre personnes de mon groupe qui y participent, ce qui facilite les collaborations.

Nous avons mené tellement de projets en collaboration que je ne sais pas lequel citer. Par exemple, il y a deux ans, nous avons travaillé avec un groupe de Lire et Écrire Mouscron sur la réécriture de documents de la mutuelle socialiste, Solidaris, qui avait fait le constat que soit les gens ne les lisaient pas soit ils ne les comprenaient pas. À leur demande, nous les avons transformés pour qu’ils soient plus lisibles. Le résultat a été magnifique. Quelque temps plus tard, une personne du groupe a reçu un des documents que nous avions remaniés et qui correspondait quasiment entièrement à notre proposition. Il a réussi à le remplir sans aide. Ce sont des petites transformations mais qui, pour moi, redonnent confiance dans la capacité d’agir et montrent l’intérêt d’apprendre et de travailler en groupe.

Je suis formatrice depuis presque 20 ans. Et tout évolue tout le temps. À mon sens, le plus important est de ne pas se décourager, qu’apprenants et formateurs ne se mettent surtout pas de pression. Combien de fois n’ai-je pas douté, combien de fois ne me suis-je pas plantée… Aussi, parfois, nous nous sommes engagés dans un projet qui ne tenait pas la route et il a fallu tout revoir… On recommence et ça va mieux la fois suivante. On n’est pas obligé de TOUT faire TOUT le temps. On n’est pas obligé de tout réussir non plus. Je pense que si chacun fait comme il le sent, comme il le ressent, à sa manière, avec ses sensibilités et comme il peut, c’est déjà beaucoup. Chaque formateur a ses domaines de prédilection, moi, j’ai tendance à inviter les apprenants sur le chemin de la création manuelle parce que c’est MON truc ; pour d’autres, ce sera la création littéraire ou l’action politique ou…


  1. AUDEMAR Aurélie et STERCQ Catherine (coord.), Balises pour l’alphabétisation populaire. Comprendre, réfléchir et agir le monde, Lire et Écrire, 2017, lire-et-ecrire.be/IMG/pdf/balises_pour_l_alphabtisation_populaire.pdf
  2. Martine, héroïne de la littérature jeunesse des années 1950 à aujourd’hui.
  3. L’enjeu de ce portfolio, lire-et-ecrire.be/IMG/pdf/mes_chemins_d_apprentissage.pdf, est de permettre aux apprenants de maitriser leur parcours de formation dans une optique d’évaluation formative. Voir également : Aurélie AUDEMAR, À la croisée des normes, le portfolio « Mes chemins d’apprentissages », in Journal de l’alpha, n°215, 4e trimestre 2019, pp. 112-120, www.lire-et-ecrire.be/ja215
  4. Les groupes Réseau de Lire et Écrire ont pour objectif de permettre aux participants de construire une parole commune sur un problème de société en lien avec leur expérience de l’analphabétisme et de se mobiliser pour que leurs difficultés soient entendues et prises en compte. Voir exemples dans l’article : Le GT réseau de Lire et Écrire et des apprenants membres d’un groupe réseau, Participation et gouvernail : tous sur le bateau, in Journal de l’alpha, n°210, 3e trimestre 2018, pp. 20-23, www.lire-et-ecrire.be/ja210